lundi 22 février 2010

Tazarce et le peuple

Tandja MamadouLes nouvelles constitutions héritées des mouvements démocratiques des années 1990 contiennent pour la plupart une clause limitative des mandats présidentiels en vue de favoriser l'alternance au pouvoir. Cette clause dispose que le mandat présidentiel n'est renouvelable qu'une seule fois. Pour en faire trois, il faudrait partir et revenir plus tard. C'était sans compter la hargne des dictateurs africains à se maintenir au pouvoir contre la volonté du peuple, en bafouant le fondement de leur pays.

EYADEMA PIONNIER, OBASANJO THÉORICIEN

Un Eyadéma Gnassingbé, de funeste mémoire, fut le premier a inauguré le tripatouillage visant à sauter ce verrou (si je ne m'abuse). En 2002, après avoir donné sa "parole de militaire" à Chirac, il se dédit de concert avec l'Assemblée nationale monocolore (RPT) d'alors pour modifier la loi fondamentale de 1998, ce qui ouvrait la voie à sa réélection ad vitam. Avant de perpétrer ce forfait, l'appareil d'Etat a des jours durant organisé des marches de soutien qui s'achevaient par des motions demandant au Président de "continuer" son œuvre.

Ayant fait des émules sur le continent, Matthew Olusegun Obasanjo le plagie et initie le mouvement "Tazarce" (en hausa, continuité). Il ne parvint pas à ses fins mais lègue à son pays un successeur malade et mal élu (c'est une autre histoire !). Tazarce plie bagages, traverse la frontière et débarque un bon matin au Niger pour servir la cause de Tandja Mamadou en fin d'un deuxième mandat.

La constitution nigérienne a ceci de formidable qu'elle ne limite pas seulement le mandat présidentiel à deux mais elle comporte aussi une autre clause qui interdit toute modification de cette limitation. Tazarce n'était donc pas le bienvenu au Niger à moins d'un passage en force. Solution ultime et risquée qui équivaut dans l'absolu à un coup d'Etat. Tandja le fit. Je vous fais l'économie des circonstances de ce toilettage constitutionnel.

SORTIR DE LA CRISE À TOUT PRIX
Dans ce contexte de rupture de la légalité née du Tazarce, il y avait deux options possibles : une solution politique ou une solution brutale (militaire), soit un renversement des institutions illégales.

La première solution suppose la recherche de compromis lors d'un dialogue paritaire ou pluri-acteurs. Elle a le mérite de minorer les dégâts et dans une certaine mesure de préserver la paix sociale mais comporte l'inconvénient d'inscrire les acteurs dans une dynamique d'acceptation du fait accompli, suicidaire pour le mouvement démocratique. Quand à la seconde solution, elle pourrait ouvrir la voie à un retour à l'ordre républicain. Notez le conditionnel ! La première solution ayant été explorée en vain, il ne restait dans le cas du Niger que la seconde pour abréger les tandjânneries.

Un mois avant que je ne quitte le Niger, la question n'était plus de savoir s'il y aura coup d'état ou non mais dans quelles circonstances il interviendra. Mutations des officiers à la tête des garnisons, admission forcée à la retraite, achats de consciences à coup d'argent, instrumentalisation politique des différences ethniques (hausa-zarma), maraboutage... Tandja a tenté sans succès d'inféoder l'armée. Le 18 février dernier, soit deux mois après la fin de son mandat légal, il quitte de force le pouvoir emportant avec lui son Tazarce.

UN PEUPLE*
J'en viens donc à analyser l'échec du Tazarce. Ce mouvement était vomi par la population dans sa grande majorité et dans toutes ses composantes. Ce fut le cas partout ailleurs où cette forfaiture a été perpétrée contre la volonté du peuple. A la seule différence, qu'au Niger personne ne se sentait redevable à Tandja pour le soutenir dans sa dérive. Pas même l'armée, dont il est issu (Colonel), ne l'a jugé digne de sa solidarité.

Voudrais-je dire qu'il n'avait pas de soutien ? Loin de là ! Il y avait une meute de supporters hétéroclites : une frange du parti au pouvoir, des micro-partis en mal de légitimité et des arrivistes de tous bords. Ces individus lugubres se relayaient à longueur de journée dans les médias et charriaient des inepties. Mais ils ne représentaient qu'eux-mêmes et ne s'égosillaient que pour leur panse.

Ainsi est-il du mystérieux Dan Dubaï (son surnom) qui déposa "au nom du peuple nigérien" un mémorandum en faveur d'une révision constitutionnelle sur les bureaux de l'Assemblée nationale. Le "peuple nigérien" ne se reconnaissait ni en lui, ni dans l'entreprise de Tandja et de ses affidés de circonstance. Face à la tyrannie, le cœur du peuple a soupiré vers la liberté et le 18 février, l'armée n'a fait que donner suite à l'aspiration de ce peuple.

* De ce concept de peuple, je fais un usage non normatif.

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